Le Cabanant
2019, ongoing  

Cabanant: cabane + habitant 

Le Cabanant est une proposition de réflexion sur la notion d'habiter et de la cabane‭. ‬Comment on habite un espace‭. ‬La cabane est‭ ‬une construction éphémère‭ ‬‮–‬‭ ‬le Cabanant contraction de cabane et habitant‭ ‬‮–‬‭ ‬le Cabanant lui est celui qui construit dans l'exil,‭ ‬donc la douleur mais aussi l'espoir‭. ‬J'utilise pour cela des matériaux en bois multiples trouvé dans les rues de la ville‭. Voici le texte qui a amorcé ce travail.

(Ré)faire ce monde… s’il vous déplaît 

Résistant : résister + habitant 
Cabanant : cabaner + habitant 
Cabanant : cabane + habitant
Celui qui construit dans l’exil donc la douleur, mais aussi l’espoir.
Paysant : pays + habitant = vivant 

J’ai toujours envié les artistes qui écrivent avec des mots trop soutenus, car le français n’est qu’une langue d’emprunt pour moi. L’ironie du sort est que j’invente des termes. Donc j’écris avec des termes flous et des concepts tous aussi flous. J’ai cependant une excuse, mes termes sont des contractions et des emprunts du territoire (peut-être : issues de mon observation du territoire). De mon observation. Je les veux simples et quand je dis simple, c’est simple. Bref je ne vais pas me justifier. J’avais besoin de mettre des mots sur ce que la cabane représente. Pourquoi une cabane ? Comment vivre dans le chaos, comment vivre dans le 93 ? En arrivant à CsB/M, je ne savais rien. Ensuite on m’a raconté des choses. Ensuite je me suis heurté à la visibilité et l’invisibilité qui règnent et sont vécues par ces paysants. La question de la cabane comme un lieu de refuge. Une hétérotopie, avec des hétéronymes. La cabane est un peu un lieu sans cesse en écriture, un peu comme notre identité toujours en construction. Elle ne doit pas être pérenne sinon elle devient un cabanNON et une maison en dure. La cabane est la métaphore de l’humain la construction qui se déroule durant sa vie entière. Une construction faite de matériaux multiples. Une construction qui n’est pas figée. Cette cabane est mon voyage. C’est celui des Ateliers Médicis. J’ai pu voyager comme ça durant ma résidence d’une maison à l’autre. La cabane est aussi ma résidence qui m’a amené d’un endroit à un autre. De Montfermeil au Raincy, en passant par Gagny et en faisant un saut rapide à la fontaine des images. Cette précarité est la réalité même de l’artiste, quelle que soit son origine. Aussi loin que je me souvienne, de là où je viens, mon peuple se décomposait en deux factions. Les tribus de la forêt et les tribus vivant dans les savanes. De par mes origines je venais des deux mondes. Et ma famille m’a permis très tôt, dès l’âge de six ans, de voyager plusieurs fois dans la forêt. Nous partions pour des longs séjours en forêt, découvrir la nature, rencontrer ceux de la forêt ou le Mokele Mbembe avec son mythe. Je me rappelais de ce mythe à chaque fois qu’on s’enfonçait dans la forêt dense de la Likouala.

Moi je suis né à Dongou, une ville de près de 10 000 habitants aujourd’hui. J’aime dire aux gens que je suis né dans une forêt, car ma maison est à cinq mètres de la forêt, non pas pour cultiver le cliché de l’homme noir né dans la forêt et/ou qu’ils viennent tous de la forêt. 

De là où je viens, on construisait des cabanes. Un peu comme un voyage. Dans les bairros de Luanda, sur les collines de Mutamba, après que la pluie ait emporté une partie des maisons, on reconstruit. On reconstruit encore et encore. Je construisais des cabanes. Mais jamais cela n’a été aussi difficile d’en construire une. La cabane que j’essaie de construire — oui, car c’est un essai, une expérimentation — est une torsion de la réalité clichoise et montfermeilloise, se mêlant avec ma vision. Si comme Phia Ménard le disait que le corps est la première cabane. L’habit est sa personnification… ma cabane sera mon refuge. Mon lieu de visibilité et d’invisibilité. Le liant avec CsB/M. C’est aussi l’histoire singulièrement multiple de ces Paysants qui essaient de construire. La transition entre la transformation de la forêt verte en forêt grise. La transition de Clichy-sous-Bois/ Montfermeil vers le Grand Paris. Une création ex nihilo donc comme l’a évoqué Gwenael Morin metteur en scène. 

Construire une cabane, c’est construire encore 
Construire une cabane, c’est échouer encore 
Construire une cabane, c’est rêver encore 
Construire une cabane, c’est continuer encore 
Construire une cabane, c’est écrire encore 
Construire une cabane, c’est boiter encore 
Construire une cabane, c’est s’exiler encore
Construire une cabane, c’est espérer encore 
Construire une cabane, c’est vivre encore
Construire une cabane, c’est survivre encore 
Construire une cabane, c’est transformer encore 
Construire une cabane, c’est brûler encore 


*projet en cours