Visa d’exploitation 001, la fin

Visa d’exploitation 001. Le démontage de l’exposition 

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Le lundi 15 juin, je prends le train pour Forbach. J’observe les arbres passer. Cela faisait longtemps que je n’avais pas repris le train en direction de Forbach. La dernière fois, c’était pour partir de Forbach et c’était le 9 mars. Quelques jours, juste avant le début du confinement. À ce moment-là, je pensais que l’exposition durerait un moment et que malgré le confinement nous trouverions un moyen de prolonger l’exposition. Le temps est passé et deux mois et demi de confinement ont tout bouleversé. Pendant cette durée de temps, je n’ai cessé de penser à la structure du bassin. Est-ce qu’il va tenir ? Me répétais-je sans cesse. En effet, la pièce unique de l’exposition Visa d’exploitation 001 est un bassin d’eau. Il est fait de bois de sapin, d’OSB, de chêne, de hêtre et de petites essences diverses. Beaucoup de sable et une bâche de bassin servant à contenir une grande quantité d’eau. Un bassin de quelques mètres en longueur et en largeur : 2,50 m x 4,10 m x 0,50 m. Le volume d’eau contenu dans ce dernier était colossal. Nous sommes autour de 3500 m3 d’eau. Ce qui créait une masse énorme sur le plancher de la synagogue. Le plancher était fait en bois et tantôt en panneau de grandes particules orientées : le fameux OSB. 
Je voulais ici dresser un bilan de ce qu’est cette pièce d’un point de vue technique. Ce tableau récapitulatif montre une partie des ressources ayant permis de construire le bassin. Quelques photographies témoignent aussi de tout le bois utilisé. 

La tâche était de d’abord enlever l’eau du bassin. L’absence de pompe à eau a fait que j’ai utilisé un pot pour déverser l’eau dans un petit seau. Après plusieurs allers-retours vers l’évier au bout d’une demi-journée, j’ai réussi à atteindre le fond du bassin. Le fond de celui-ci accueillait un tapis de sable avec différents éléments reprenant le visuel de la mer. Avec Florence, nous avons alors vidé le sable. L’eau croupie sentait le poisson. C’était à peu près le même parfum que l’on sent à Le Croisic quand on part ramasser des huîtres. Un parfum rappelant à la fois la mer, mais aussi le poisson, mais pas la bonne odeur de poisson. 

Le travail accompli pour consolider le bassin afin qu’il ne bouge pas est remarquable. À cause du plancher qui était descendant, les cales et tasseaux à l’oblique avaient quelques millimètres de différence. Après avoir enlevé la bâche en liner qui accueillait le bassin, il ne restait plus qu’un rectangle en OSB avec une pente faite sur mesure. Le 17 juin vers 17 h j’avais fini de démonter tout le bassin et classer les bouts de bois selon leur partie sur le bassin ou leur taille et origine. 

C’est le 18 juin que j’ai fait cet inventaire que vous voyez plus haut.  

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Le bassin à remous

La mer. Elle me disait que « la mer entretient l’amour ». Je l’ai regardée de manière dubitative. Moi je viens par-delà la mer. Mais je suis arrivé par avion. Plus que jamais je m’interroge sur ce que la mer est. Sa nature. Ses intentions, si pouvait-elle en avoir. La mer ce lieu inconnu et indompté. Elle est aussi ce territoire où se déroulent les déplacements de nombreuses personnes. Chaque fois que je zappe sur le poste téléviseur, je tombe sur des familles entières déchirées où des membres s’éloignent les uns des autres. La mer est dangereuse. C’est là aussi que se passe une partie de la traite moderne. La vente d’esclave. Mais je ne sais pas pourquoi quand je parle de la mer je pense toujours à la Méditerranée. « La Méditerranée est sale, je préfère l’océan », me disait-elle. Oui, il y a sûrement beaucoup de choses sous la Méditerranée. J’aimerais parler de la mer dans mon travail et de ce lien invisible que j’entretiens avec ce territoire sans même le savoir.

Cet été je suis reparti à Nantes. Visiter et voir de nouveau cette ville. Cette ville est étrange. C’est comme Bordeaux. Nantes et Bordeaux sont des villes qui ont un lourd passé négrier. J’estime que pour faire un pas vers l’avant et ne pas oublier il faut consacrer des structures pour la mémoire. La mémoire de ces personnes qui sont passées par là. Enfermés dans de petites cales longtemps en mer. Mais à Nantes, personne ne se souvient de ces hommes et femmes qui ont perdu leur liberté. La ville a tout simplement effacé leurs souvenirs. Ou du moins, elle en a laissé très peu. La mer est aussi l’histoire d’une liberté perdue, d’une identité nouvelle, d’une terre inconnue. Si l’été était perpétuel, que l’hiver était invisible, ces hommes et femmes auraient pu être chez eux. Mais ils ont vécu dans des conditions que personne ne peut témoigner aujourd’hui. Ils ont été enlevés de leurs maisons. Ils ont été forcés à prendre la mer, la mer a été forcée de les prendre. Ils n’ont pas oublié ce qui se trouve derrière eux ; ce qui était devant eux allait les rendre sans passé et sans avenir.

La mer est un état, le plus grand des états au monde. Un état sans contrôle. Ou toute trace s’évanouit dans les vagues. Ou tout corps disparaît dans les rochers. Alors ces personnes qui arrivent en Europe, qui viennent par les différents points cardinaux. Que fuient-elles ? Un changement climatique, l’avancée du désert, la déforestation de leur patrie par une partie des Européens cachés derrière un dictateur ou un dirigeant corrompu. La mer entretient-elle vraiment l’amour ? Où mène-t-elle à la haine des étrangers ?